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Le sujet et ses passions de l’ignorance. Nul n’est censé ignorer la loi de la parole et du langage.

Dessin de ©Faujour

Après avoir travaillé les deux passions de l’être que sont la haine et l’amour, nous voici aux prises avec la troisième, celle de l’ignorance. C’est tout à fait passionnant de s’y colleter et cela permet bien des ouvertures tant théoriques que cliniques, si on peut de façon artificielle séparer la théorie de la clinique.
Je ne vais pas traiter particulièrement de la question du réel, car le 14 janvier 2021, nous auront la chance d’échanger avec le groupe A propos – Fedepsy qui travaille depuis plusieurs années sur le réel. Je vais toutefois revisiter les conceptions freudiennes de la réalité avec l’éclairage qu’en a donné Lacan, en m’appuyant sur un texte de Jean-Pierre Bauer que les plus anciens d’entre nous ont connu. Cela me semble une bonne introduction au réel de Lacan et surtout un apport majeur pour entendre quelque chose à la passion de l’ignorance. Puis je vais travailler les notions de dénégation et de déni ou désaveu, ce qui est souvent source de confusion entre ces deux concepts forts différents dans leur mécanisme et dans leur objet. Et ensuite, je vous ferais part de là où j’en suis aujourd’hui dans mes questions sur les passions de l’ignorance.
Freud, du début de son œuvre à la toute fin de celle-ci a fait face à la difficulté de la différenciation entre réalité et réel. Il a articulé cette question en termes d’intérieur et d’extérieur. De penser en termes d’intérieur et d’extérieur est non seulement d’une grande complexité mais présente des limites, des butées. Cela a conduit Lacan à inventer réel, symbolique et imaginaire et à poser ces questions sous un jour peut être pas plus simple mais permettant d’aller plus loin.
Pour illustrer un aspect de cette question de l’intérieur et de l’extérieur, il suffit chez Freud, de considérer le renversement théorique fondamental où il passe de la théorie traumatique à la théorie fantasmatique, où il passe finalement d’une cause extérieure à une intérieure. Pour y parvenir, il a dû inventer le concept de réalité psychique qu’il a pu opposer à la réalité matérielle. Et à la fin de son œuvre, il évoque la « spaltung » traduit par le clivage que Lacan va considérablement ouvrir vers la question de la division du sujet. Nous y reviendrons avec le déni ou désaveu.
Dès le départ de sa découverte de la psychanalyse, Freud détermine ce qui fait limite entre l’intérieur et l’extérieur par le principe du plaisir. Ce qui satisfait au principe du plaisir est intériorisé, et ce qui n’y satisfait pas est rejeté à l’extérieur. Ce qui est intérieur va être ainsi représenté, cela donnera lieu à une représentation. Cette représentation, quand elle sera parlée donnera alors un représentant de la représentation c’est-à-dire un signifiant.
Par contre, ce qui est rejeté à l’extérieur ne donnera lieu à aucune représentation, ce sera une chose, das ding. Alors comment le sujet peut-il faire avec ces choses? Il va le faire à partir de la perception. L’exemple princeps est celui de la satisfaction hallucinatoire du nouveau né. L’insatisfaction ou déplaisir de cette satisfaction hallucinatoire, la faim dans ce cas, va rejeter ce qui l’a satisfait-insatisfait au dehors, va l’exclure de toute représentation. Mais il en reste deux éléments: le chemin neuronal pris à la première satisfaction ( réelle ) détermine un lieu de satisfaction: c’est dans ce lieu que viendra s’inscrire le signifiant, c’est un lieu vide de toute représentation. Le second élément est un perçu originel: et c’est sur la base de ce perçu originel que va se constituer de façon rétroactive, dans ce lieu vide, l’objet, objet qui n’a jamais existé, objet perdu à jamais car ce qui le cause a été exclu de toute représentation. Cet objet est une création du travail de la pensée, il va représenter dans la réalité psychique ce qui en est exclu. Pour le sujet, une chose n’existe pas, il existe une idée, une pensée qui la représente qui est l’objet. L’objet est vide, il n’existe que comme perdu avant même d’avoir été rétroactivement créé.
Ainsi, la réalité psychique apparaît comme étant ce qui est représentable. Et comment se décide ce qui est représentable? Cela s’effectue par le jugement d’attribution. Le jugement d’attribution en s’appuyant sur le principe de réalité affirme ( bejahung ) l’existence d’une représentation, c’est-à-dire qu’il met en place une relation entre un objet et le sujet. Cette relation entre le sujet et l’objet a fait écriture chez Lacan, en une formule que vous connaissez: $<> a. C’est la formule du fantasme. Pour Lacan le principe de réalité et le fantasme sont strictement équivalents. Il dit :« On est tous soumis au principe de réalité, c’est-à-dire au fantasme1 ». Ainsi, la réalité psychique est ce qui est inclus dans le fantasme. Ce qui n’est pas dans le fantasme est rejeté, rejeté du symbolique, c’est-à-dire forclos (Verwerfung ). Donc dans le réel. Ecoutons ce qu’en dit Lacan: « La Verwerfung donc a coupé court à toute manifestation de l’ordre symbolique, c’est-à-dire à la Bejahung ( affirmation ) que Freud pose comme le procès primaire où le jugement attributif prend sa racine, et qui n’est rien d’autre que la condition primordiale pour que du réel quelque chose vienne à s’offrir à la révélation de l’être 2 ». Je reviendrai sur la « bejahung » lorsque je vous parlerai de la dénégation. Cette citation indique clairement que pour que quelque chose du réel puisse être révélé au sujet, fasse savoir pour le sujet, cela doit passer par le fantasme, c’est-à-dire aussi passer par le truchement de l’objet. Ce qui n’est pas un objet, ce qui ne passe pas par le fantasme est ignoré par le sujet, en tant qu’inconnaissable donc ne pouvant pas être su. Cela n’existe pas pour le sujet. C’est dans le réel. Ainsi, en partant de Freud, il apparaît que le réel est constitué d’une part de ce qui a été éjecté du symbolique par la forclusion, mais qui a été perçu et d’autre part de ce qui n’a pas été perçu, ce qui ne peut pas exister pour le sujet et ne peut même pas être conçu comme étant le monde extérieur.
La seconde question que relève Bauer 3 est celle du corps. En effet, lors du traumatisme, et ici il est question du traumatisme de la naissance, la détresse vitale du nouveau né le confronte à l’impossibilité originaire de la décharge. Ces quantités d’énergie venant du corps envahissent l’appareil et sont source de déplaisir. Le monde extérieur se dérobe à la décharge et se montre ainsi antinomique au principe de plaisir. La conséquence en est que le corps est rejeté à l’extérieur, c’est-à-dire dans le réel. Or, Freud, dans « Pulsions et destin des pulsions » fait des pulsions l’effet de la liaison du psychique et du corporel. Ainsi, les pulsions apparaissent comme l’effet de la perte du corps, de l’inconnaissable du corps qui ne peut se signifier que par le détour du principe de réalité, c’est-à-dire de l’objet. Le corps est source de perceptions et reste ignoré; il n’est pas représentable. C’est là que l’on peut entendre que l’hystérie est à l’origine de la découverte de la psychanalyse. Car le symptôme hystérique de conversion est-il autre chose qu’une tentative de symbolisation du corps, de significantisation du corps en le découpant avec des signifiants comme le bras ou la jambe? C’est-à-dire que le sujet tente par ce symptôme de s’approprier son corps ou une partie, il le subjective, le fait entrer dans sa réalité psychique, donc dans le fantasme. Un signifiant représentant le sujet pour un autre signifiant et non un objet. (Ainsi, Freud amène que le corps est vécu comme en dehors.)
Il y a ainsi deux champs hétérogènes: celui du représentable et celui du non-représentable; comme peuvent l’être les carottes et les petits pois. Comment Freud a-t-il procédé pour mettre ces deux champs hétérogènes en équivalence? Il l’a fait en inventant un mythe qui permet à ces deux champs d’être travaillés à l’intérieur même du psychique, c’est-à-dire ce qui spécifie la réalité en tant que telle. Rappelons qu’il n’y a de réalité que psychique, la réalité matérielle n’existant qu’à travers les objets. Le mythe que Freud invente est celui des quantités, qui s’étayera avec la libido. Les quantités permettent de donner une valence comparable ou égale, donc équivalence, entre la réalité psychique et le monde extérieur. La libido, terme passé dans le domaine public, est un des grands mythes freudien.
Évoquer la libido, qui se situe entre l’intérieur et l’extérieur, permet de poser la question de la sexualité. Ainsi, la sexualité comme le monde extérieur, se caractérise d’être un contact prématuré. Elle est vécue par le sujet comme venant du monde extérieur, ce qui avec Lacan pourra être attribué au réel. Elle est vécue comme une étrangeté, à tous les sens du terme. D’une certaine façon, le sexuel c’est le corps. Le sexuel est ce qui fait du corps du plaisir, le corps perdu. Cette constatation permet déjà d’entendre qu’il n’y a pas de rapport sexuel, ce que rappelle finalement la sexualité qui présentifie en permanence l’impossibilité du rapport sexuel. Il en découle que tout événement, en tant qu’intervention du réel, est sexuel.
L’événement est toujours question ultime de la réalité du sexuel. Pour illustrer cette affaire de la sexualisation de l’événement réel, prenons ce que Freud écrit concernant I’apparition du Surmoi (dans le Malaise dans la civilisation); où il dit que le renoncement réel entretient le besoin de punition, qui constitue pour lui le danger interne équivalent du danger externe de l’agression. Ainsi, le besoin de punition apparaît comme l’érotisation de l’impossibilité même du rapport sexuel. C’est l’érotisation de ce réel que le sexuel indique tout en en montrant le dérobement.
Après ce rappel des élaborations de Freud, allons voir ce qu’il se passe dans ces formes de l’ignorance que sont la dénégation (verneinung), le déni ou désaveu (verleugnung) et aussi accessoirement la forclusion (verwerfung). Je n’évoque pas, ici, le refoulement (verdrängung), qui me semble suffisamment connu par chacun d’entre nous, ni cette question complexe de la condensation. Ce sont des concepts freudiens qui ont été aussi travaillés par Lacan. Ce sont des mécanismes fort différents qu’il n’est souvent pas facile de discerner. Ainsi, l’ignorance du réel de la mort, cette façon qu’ont beaucoup de gens de faire comme s’ils n’étaient pas concernés est-ce une dénégation, un désaveu ou déni, ou même pourquoi pas une forclusion? Plus précisément, la réduction du réel de la mort de cette pandémie au confinement, comme si c’était le confinement le problème et non la conséquence. C’est ce qui a probablement conduit à la situation actuelle de résurgence exponentielle de la pandémie, puisque s’il n’y a plus de confinement, il n’y aurait plus de pandémie, et son corollaire de réel de la mort. C’est prendre le symbole pour ce qu’il représente, être dupe du signifiant et penser qu’éliminer le symbole résout le problème, comme si effacer un signifiant pouvait résoudre les difficultés d’un sujet. Freud a bien montré que le refoulement est équivalent au retour du refoulé.
Il y a une difficulté sémantique en Français entre la dénégation et le déni. La dénégation a été traduit tout d’abord par « négation » dont la forme verbale est « nier ». Si on parle de dénégation, alors la forme verbale devient dénier ce qui donne le déni. Finalement, on s’y perd. En Allemand, il y a deux mots bien différents: verneinung et verleugnung. La traduction proposée par Guy Rosolato 4 de « désaveu » ne lève pas entièrement cette confusion, mais rend mieux compte de la double opération de reconnaissance et de refus de la réalité d’une perception ou d’une absence 5. Nous emploierons dans ce travail, le terme de « désaveu ».
Freud donne la définition suivante de la dénégation:

« Un contenu refoulé de représentation ou de pensée peut donc se frayer un passage jusqu’à la conscience, à condition de se faire nier. La dénégation est une façon de prendre connaissance du refoulé, elle est à proprement parler déjà une levée du refoulement mais certainement pas une acceptation du refoulé.
On voit comment la fonction intellectuelle se sépare ici du processus affectif. (..) le processus lui-même du refoulement n’en n’est pas pour autant encore levé 6».

Ainsi, la dénégation est un processus qui concerne le refoulement. Il préserve le refus de savoir de l’ignorance du contenu refoulé tout en permettant que: « tout le refoulé (puisse) en quelque sorte à nouveau être repris et réutilisé dans une espèce de suspension, et qu’en quelque sorte, (..), il (puisse) se produire une marge de la pensée, de l’être, sous la forme de n’être pas 7 ». Prenons comme exemple tout à fait actuel, ce que j’ai évoqué tout à l’heure: la réduction de la pandémie au confinement. Ainsi, substituer au signifiant de pandémie mortelle celui de confinement, tel que nous avons pu l’entendre de certains de nos patients, est bien du registre d’une forme de refus. Si le confinement est levé, ce n’est pas le cas du refoulement et de son contenu refoulé. Bien que le sujet ait connaissance du risque mortel, celui-ci ne le concerne pas, il peut l’ignorer parce que la levée du confinement vient lui dire qu’il ne risque pas d’en mourir, de toute façon le confinement ne comporte pas directement de risque mortel. Il n’est pas possible de généraliser, savoir s’il s’agit d’une dénégation ou d’un désaveu (déni) ne peut se faire qu’au cas par cas, au singulier.
Pour revenir sur cette citation de Jean Hyppolite, où il remarque que la question de l’être peut se poser « sous la forme de n’être pas », elle montre toute l’importance de la dénégation dans la question de l’être et de ce qui en découle sous la forme de la passion de l’ignorance. Hyppolite parle de négation de la négation, terme qui sera repris par Lacan, en tant qu’affirmation (bejahung) intellectuelle. Cette affirmation seulement intellectuelle s’oppose à l’affectif. Il me semble intéressant de rappeler, ici, qu’en Allemand le mot « affekt » signifiait jusqu’au XVII éme siècle: passion. Je disais tout à l’heure que l’affirmation, la bejahung, est fondatrice de la réalité psychique en tant qu’elle est le mécanisme à l’oeuvre: « pour que du réel quelque chose vienne à s’offrir à la révélation de l’être 8 ». Ce qu’il me semble important de noter, c’est que cette affirmation doit se présenter sous la forme d’une double négation. On retrouve cette double négation dans ce que dit Lacan du réel qui est « ce qui ne cesse pas de ne pas s’écrire 9 ». Pour conclure ce court rappel de la dénégation montre qu’un élément de la réalité psychique doit pour y être inclus subir un refoulement. En suivant Lacan cela veut dire qu’un signifiant pour devenir un signifiant représentant le sujet pour un autre signifiant doit nécessairement avoir été refoulé.
Quant au désaveu (verleugung), Freud en parle essentiellement à la toute fin de son oeuvre dans deux textes: « Le clivage du moi dans le processus de défense 10 » écrit en 1938 et paru en 1940, et juste après il écrit son ultime texte: l’« abrégé de psychanalyse 11 » paru aussi en 1940. Dans ce premier texte il écrit: « C’est donc un conflit entre la revendication de la pulsion et l’objection opposée par la réalité 12 ». Il s’agit donc, à nouveau, d’un conflit entre l’intérieur et l’extérieur. Ici, il convient d’entendre que l’intérieur est la réalité, réalité psychique et que c’est la pulsion qui vient de l’extérieur. On peut en déduire que le désaveu se trouve toujours aux confins du réel.
Pour faire simple, disons que si la dénégation concerne le refoulement et l’affirmation primordiale, le désaveu concerne la perception,: ce qu’il s’agit de désavouer est le perçu, évoqué plus tôt. Si le perçu est désavoué, il ne peut se produire d’affirmation. Ceci, dit Freud « au prix d’une déchirure dans le moi 13 » en précisant que « seule la mort est pour rien 14 ». Si dans ce texte, il décrit ce mécanisme comme pervers, dans « l’abrégé » il oriente tout d’abord cela vers la psychose: « Deux attitudes psychiques, au lieu d’une seule, se sont formées, l’une qui tient compte de la réalité, l’attitude normale, et une autre qui, sous l’influence pulsionnelle, détache le moi de la réalité. Les deux coexistent. L’issue dépend de leurs forces relatives. Si la seconde est ou devient la plus forte, la condition de la psychose est donnée. Si le rapport s’inverse, il se produit une guérison apparente de la maladie délirante 15 ». Ici se pose la question des rapports de la verleugnung (désaveu) avec la verwerfung (forclusion). Puis il dit que ce désaveu et sa conséquence de clivage du moi est aussi un mécanisme fort fréquent dans la névrose. Il écrit: « De tels dénis surviennent assez souvent, pas seulement chez les fétichistes, et là nous nous trouvons en situation de les étudier, ils s’avèrent être des demi-mesures, des tentatives imparfaites pour assurer le détachement d’avec la réalité. Cette récusation est chaque fois complétée par une reconnaissance: il s’instaure toujours deux attitudes opposées, indépendantes l’une de l’autre, qui produisent cet état de fait qu’est le clivage du moi 16 ». Il y a donc dans le désaveu, comme dans la dénégation, une forme de reconnaissance, qui n’est pas la même. La dénégation repose sur le refoulement, et le refoulement consiste aussi en ce que le refoulé ne cesse de se dire dans le discours du sujet, retour du refoulé, alors que dans le désaveu ou déni, ce qui est désavoué est perçu mais pas inclus dans la réalité, c’est-à-dire exclu du fantasme. Est-il pour autant renvoyé dans le réel? Un exemple que je donnerai tout à la fin de mon propos indique que le renvoi dans le réel est ce que fait le pervers. Quand il n’y a pas de fantasme, on est dans la psychose avec la forclusion à l’œuvre. Concernant la névrose, prenons un exemple actuel: les soignants, aux premiers temps de la pandémie du Covid, n’avaient pratiquement aucune protection contre une contamination et la menace de mort qui en découlait. Pour ne pas être paralysés par l’angoisse, il leur a bien fallu trouver un mécanisme de défense? Quoi de mieux alors qu’un désaveu? La menace de la mort et sa conséquence d’angoisse étaient bien là, mais atténuées, limitées par ce clivage à une connaissance intellectuelle. Le sujet ne se sent plus concerné, au moins partiellement, par le réel de la mort si proche. La conséquence théorique est que la verleugnung crée un trou, au moins partiel, limité, dans le symbolique. La verleugnung va dans le sens d’une accentuation de la division du sujet, ce qui, comme le note Freud, pour un sujet psychotique crée ou accentue le délire.
Quant à la verwerfung ( forclusion ), il s’agit, comme vous le savez ou pas, d’exclusion du symbolique et du renvoi dans le réel.
Pour terminer ce chapitre sur dénégation, désaveu et forclusion deux remarques concernant la question de l’ignorance du côté du psychanalyste et la conduite de la cure, que j’ai pour ainsi dire découvertes en préparant ce travail. En 1968 Lacan n’a pas pu terminer son séminaire sur l’acte. Il y revient lors d’une conférence le 19 juin 1969 où il dit ceci: « Cette position inaugurale à l’acte psychanalytique qui consiste à jouer sur quelque chose que votre acte va démentir. C’est pour cela, j’avais réservé pendant des années, mis à l’abri, mis à l’écart le terme de Verleugnung qu’assurément Freud a fait surgir à propos de tel moment exemplaire de la Spaltung du sujet; je voulais le réserver, le faire vivre là où assurément il est poussé à son point le plus haut de pathétique, au niveau de l’analyste lui-même 17 ». Il amène cette verleugnung à propos de la position du sujet supposé savoir et de la radicale division où il se place. En effet, l’analyste ne peut pas occuper cette place de sujet supposé savoir car c’est la place où il est mis dans le transfert par l’analysant (ce serait l’ignorance crasse). C’est assurément pathétique si un analyste occupe cette place, la seule place qu’il peut prendre est celle de l’objet a, pour se faire cause de désir pour l’analysant, désir de savoir. Est-ce cette position de l’analyste, reposant sur l’ignorance qui permet la métaphore de l’amour, ici, amour de transfert? Car, in fine, le sujet supposé savoir est l’analysant, ceci pour l’analyste (docte ignorance).
Ceci me permet d’entamer ma deuxième remarque. Il y a une certaine forme de connaissance dans la dénégation et le désaveu de ce qui en est l’objet. Pour la dénégation, il s’agit d’un savoir ignoré où le sujet non seulement ne sait pas ce qu’il dit, mais ne sait pas qu’il le dit, comme: je ne pense pas à ma mère par exemple. Pour le désaveu ou déni c’est : je sais bien mais quand même. Il s’agit bien sûr d’ignorance. Lors de la séance du 5 mai 1954 du séminaire I, Lacan nous dit qu’il ne s’agit pas d’une pure et simple ignorance 18. En effet, il s’agit d’une passion articulée à l’amour et la haine, telle qu’elle va prendre place dans l’amour de transfert. Il s’agit alors d’une forme de méconnaissance, dit-il, telle que pour méconnaître il faut bien en connaître quelque chose. Si une cure consiste à acquérir du savoir, c’est que cette cure sera de l’ordre du plus pathétique. De cette question que pose le sujet de savoir (qu’il sache ce qu’il sait déjà ou de la distinction fondamentale de la réalité et de l’apparence 19), il s’agit de l’engager dans une recherche de la vérité20. C’est ainsi que nous constituons son ignorance dans un transfert analytique et non un transfert psychothérapique, comme l’a formulé J. R. Freymann. Il apparaît ainsi que l’ignorance est nécessaire à la mise en place d’une structure en tant que condition du transfert 21, où l’analyste vit une verleugnung, une déchirure de son moi qui se réduit à une connaissance intellectuelle d’un côté et de l’autre côté se réduit à la docte ignorance de ne rien savoir du sujet qui parle.
En considérant que l’analysant est le sujet supposé savoir, l’ignorance de celui-ci se constitue alors concrètement sous la forme de la verneinung 22. C’est ainsi que j’entends ce que disait Freud quand il affirmait qu’un patient qui refuse son interprétation, ne fait que la confirmer. C’est dire qu’un désaveu est retourné sous la forme d’une dénégation à l’analysant. Un exemple fréquent: une femme ne peut enclencher le deuil de son enfant mort accidentellement. Le désaveu est patent: « je sais bien qu’il est mort, mais je rêve de lui toutes les nuits ». Si on oriente la cure du côté du savoir ou de l’acceptation d’un savoir: à savoir qu’il est bien mort, l’échec de cette cure est assuré. Je peux en témoigner. Ce sont des cures très difficiles. Il s’agit alors en amenant le sujet du côté de la recherche du savoir ( c’est-à-dire de la vérité ) de lui permettre de faire une cure analytique pour re-connaître que le savoir sur la mort de son enfant était déjà là, selon son vœu. Ceci est une référence au fameux rêve dont Freud a parlé dans la Traumdeutung: « il ne savait pas que son père était mort, selon son voeu », que je n’ai plus le temps de développer ce soir. Ce qui nécessiterait toute une séance de séminaire. Je n’en dirai que quelques mots pour étayer mon propos sur l’ignorance.
Je vais, maintenant résumer sans pouvoir suffisamment l’étayer, ce qu’il en est aujourd’hui de ma pensée, de mes questions et de mon expérience de la passion de l’ignorance, qui est « ne-rien-vouloir-en-savoir », acte du sujet, que l’on peut opposer à l’ignorance « simple ». Je n’ai plus le temps de les déplier correctement, mais cela sera certainement fait tout au long de cette année de travail.
Si Freud peut affirmer que : « Notre inconscient est inaccessible à la représentation de la mort-propre 23 », alors comment la mort-propre peut-elle être représentée? D’autant plus, dit-il, que l’angoisse de mort est issue le plus souvent d’une conscience de culpabilité. Cela s’effectue à travers la question de la castration qui apparaît comme une équivalence à la mort, dans la réalité psychique. Il n’y a pas de véritable angoisse de mort, il y a l’angoisse de castration. Lacan dans son analyse du rêve du père mort 24: « il ne savait pas qu’il était mort, selon son voeu » insiste à lier la mort et la castration, l’une et l’autre à la question de l’ignorance. Or, dans le séminaire I en particulier, il met la passion de l’ignorance à la jonction du réel et du symbolique 25. Dans le séminaire R.S.I. il dit: « l’angoisse, en tant qu’elle est quelque chose qui part du Réel, il est tout à fait sensible de voir que c’est cette angoisse qui va donner son sens à la nature de la jouissance qui se produit ici [Jφ] du recoupement (..) du Réel et du Symbolique 26 ». En effet,
dans le nœud borroméen l’ignorance est mise à la même place que la jouissance phallique. Ainsi, la passion de l’ignorance, qui est en rapport avec la castration, concerne en particulier la jouissance phallique, tel que que la passion de l’ignorance ne s’oppose pas à la jouissance, contrairement au savoir. On peut alors entendre ce que dit Lacan dans le séminaire « Encore »: « L’inconscient, ce n’est pas que l’être pense ( ..), c’est que l’être en parlant, jouisse. Et j’ajoute : ne veuille rien en savoir de plus. J’ajoute que cela veut dire ne rien savoir du tout 27 ». Ainsi, dès qu’on parle, on est pris par la passion de l’ignorance. Par conséquent l’ignorance a pour fonction de préserver le sujet de la jouissance phallique, en ignorant la castration. Car la jouissance abolit le sujet. Ainsi, la passion de l’ignorance, en participant à l’abolition du sujet contribue à sa constitution. La constitution du sujet n’est pas quelque chose d’acquis une fois pour toute, mais se produit sans cesse. Dans cette dernière citation, Lacan confirme là ce qu’il disait plus de 20 ans plus tôt: « L’ignorance est un état du sujet en tant qu’il parle 28 ». Et j’ajouterai que l’ignorance en tant que passion distingue, différencie le sujet de l’être. En effet, si l’être-parlant en parlant jouit, alors dès qu’il parle cela active la passion de l’ignorance, on voit là le concubinage de la jouissance avec la passion de l’ignorance qui se manifeste dès qu’on parle. Cela montre la proximité extrême du sujet avec la passion de l’ignorance, toujours silencieuse, elle produit ses effets partout.
La jouissance phallique apparaît comme la marque de l’ignorance. La question de la castration est très complexe, si on peut parler ici de complexe. La castration symbolique est fondatrice du symbolique, trésor des signifiants, en tant que troué. Je dirai, alors, pour étayer mon titre que la passion de l’ignorance est la passion d’ignorer la véritable portée du signifiant. La loi de la parole et du langage étant celle de la logique du signifiant.
La passion de l’ignorance n’a rien à voir avec le savoir mais concerne la vérité: « Si le sujet ne se met pas en référence avec la vérité, il n’y a pas d’ignorance 29 ». Je vais juste poser quelques jalons sur savoir et vérité. Le savoir est toujours dans le registre du sens, comme le dit Lacan de la joui- sens. Par contre, nous dit Lacan: « La vérité, c’est ce que nous apprend la psychanalyse, elle gît au point où le sujet refuse de savoir 30 ». Ainsi, la vérité commence là où s’arrête le savoir. L’analyste ce sur quoi il a à guider le sujet, ce n’est pas sur un savoir, mais sur les voies d’accès à ce savoir 31. Ces voies d’accès sont celles de la vérité: vérité sur sa jouissance, son désir, sa castration etc. et celle sur les lois du langage et de la parole. C’est-à-dire sur ce qui est et reste insu du sujet; sur ce qui ne fait pas sens. La passion de l’ignorance ne se constitue pas en opposition au savoir mais en opposition à la vérité. C’est ainsi que Lacan amène la passion de l’ignorance comme réalisation de l’être en tant que manque à être. En effet, la vérité est féminine car elle ne peut se dire toute.
Je me demande si le caractère passionnel de l’amour, de la haine et de l’ignorance concernant la question de l’être n’est pas produit par l’ignorance, en tant que l’ignorance est en concubinage, dans son aspect passionnel, avec la jouissance phallique? C’est une des questions à discuter.
Si l’amour de transfert est constitué d’amour et aussi de haine, le transfert analytique repose sur l’ignorance constituée par l’analyste, ceci avec toute l’équivoque du « par l’analyste ». Ainsi, le transfert, plus précisément l’amour de transfert, est à la fois le moteur et la principale résistance à la cure. Cette résistance n’est-elle pas constituée par la passion de l’ignorance? Ignorance de la vérité pour l’analysant. Mais comme nous l’a enseigné Lacan, la résistance étant celle de l’analyste, cette résistance n’est-elle pas alors celle de la passion d’ignorer la véritable portée du signifiant? Dans « Télévision » Lacan affirme que: « l’équivoque (qui) fait la loi du signifiant » et évoque aussi: « un tissu d’équivoques, de métaphores, de métonymies ».
Ainsi, les passions connues et reconnues, que sont l’amour et la haine, ne peuvent exister sans le lit de la passion de l’ignorance qui leur est consubstantielle, avec toutefois une prééminence de l’ignorance, qui est silencieuse, ignorée. C’est dire que aimer et haïr ne peuvent être conçus sans un « rien-ne-vouloir-en-savoir ». Finalement, il apparaît que ces trois passions sont intriquées. Y a-t-il là une structure borroméenne? Ce qui remettrait, alors, en question la structure moebienne de l’amour et de la haine mise en évidence lors des deux dernières années de travail à analyse freudienne. Je ne le pense pas, car il me semble que l’existence de la passion de l’ignorance ne dépend pas de l’amour ou de la haine d’une part et d’autre part qu’elle se caractérise par sa proximité du sujet 32. De plus ces trois passions de l’être ne sont intriquées qu’en ce qui concerne l’être et ne définissent pas une structure. Cela reste, comme bien des choses que j’ai avancées ce soir, à discuter.
Pour terminer, en travaillant cette question de la passion de l’ignorance, je me suis demandé dans quelles occasions il m’a été donné d’observer cette passion, à « l’état pur » c’est-à-dire sans intrication d’amour ni de haine. J’ai pensé à trois occurrences.
Je me rappelle que lorsque j’étais interne en psychiatrie, chaque année une famille venait « déposer » le père de famille à l’hôpital psychiatrique pour les vacances d’été. Cette famille s’en occupait fort bien, mais avait besoin d’un temps de vacances sans avoir à prendre en charge cet homme, qui avait toujours sa place à la maison. Ce monsieur d’une cinquantaine ou soixantaine d’années avait désinvesti toute forme d’intérêt pour le monde. Il répondait sans réticence aux questions banales que l’on pouvait lui poser, comme de raconter avec détails son histoire sauf en ce qui concernait la période où il était entré dans cet état particulier. Toutefois, il avait une demande unique, tel un des frères Dalton: « quand est-ce qu’on mange? ». Jeune interne, je voulais savoir ce qu’il se passait pour ce sujet. Les entretiens furent nombreux jusqu’au point où je n’eusse plus envie de savoir et le laissait à sa vie rythmée par les repas et les nuits. Mais, il faut bien penser que je ne me fis pas complètement absorbé dans ce transfert où la passion de l’ignorance dominait, puisque ce désir de savoir me taraude encore. Force m’est de reconnaître qu’avec ce sujet, car il y avait bien du sujet, il y eût un transfert, ce qui oblige à penser qu’il y eût également une dimension d’amour et de haine pour ce sujet comme en témoigne le souvenir que j’en garde et la grande tolérance dont il bénéficiait au sein de sa famille. Mais je n’ai pas pu entendre la moindre hainamoration en rapport avec sa passion de l’ignorance. La seconde occurrence consiste à me demander si certaines formes de la maladie d’Alzheimer ne seraient pas un effet de cette passion de l’ignorance. La troisième concerne la perversion et son déni de la castration de la mère, dont Freud affirme que c’est là qu’on peut l’observer, surtout dans le fétichisme, sous la forme du désaveu. J’ai trouvé un texte où la perversion de l’auteur peut se lire à travers ses élisions, ses raccourcis, et surtout ce qu’il ignore superbement. En effet, j’ai été stupéfait, en préparant ce travail, lorsque je suis tombé sur un texte de Gérard Pommier 33. Il y explique que le réel peut se résumer autour de la castration maternelle qui est renvoyée dans le réel, mais comme étant le paradigme, voire l’essence même du réel. Je vous en cite deux extraits particulièrement éclairants sur cette ignorance: « Une fois la ligne de démarcation tracée entre l’intérieur et l’extérieur par le refoulement, toute représentation du réel donnera la certitude que ce réel reste inconnaissable. Mais c’est justement ce qui était l’objectif de ce refoulement! il ne veut rien savoir de la castration maternelle et rejette la signification du phallus dans un dehors qui, par conséquent, sera aussi énigmatique que l’inconscient lui- même. L’angoisse engendrée par le réel reste incompréhensible, si l’on ne voit pas qu’il s’agit d’un avatar de l’angoisse de la castration maternelle 34 35». Et: « Contrairement à ce qu’il pourrait laisser comprendre, le terme de ‘castration’ n’est nullement une privation ou une menace de privation de jouissance. ( N’est-ce pas là une dénégation? De plus Lacan 36 parle à propos de l’angoisse de castration de la crainte d’être privé de son désir et pas de sa jouissance ). Il constitue le point de départ d’un tissu complexe de fantasmes qui vont permettre de regagner la jouissance perdue lors du refoulement originaire grâce à une autre jouissance. ( N’est-ce là aussi une belle description du fantasme ou plutôt scénario pervers? ) Le point de départ est celui que l’on vient de résumer: si la mère a bien été castrée, le sujet craindra de l’être à son tour: il craindra d’être féminisé, sodomisé comme sa mère l’aurait été et de jouir ainsi comme elle. Et le point d’arrivée est celui que l’on va examiner: pour passer d’une jouissance à l’autre, il suffit de s’identifier au père 37 ». Cet auteur qualifie de réel ce qu’il ne veut pas savoir, son ignorance est ainsi structurale et il n’y est pour rien dans cette ignorance puisque c’est du réel ! Il n’y a pas besoin d’autre commentaire pour illustrer ce bel exemple d’ignorance passionnée de la castration de la mère, qui produit ses effets partout dans ces extraits, et ceci probablement à l’insu de ce sujet expliquant ce qu’est le réel. Le mécanisme à l’œuvre est sans contestation possible ici le désaveu ou déni.
Pour conclure ce travail, la passion de l’ignorance est si silencieuse qu’il m’a fallu ce parcours pour percevoir à quel point cette passion est omniprésente et qu’elle produit des effets que je ne soupçonnais pas d’être aussi considérables. Souvent en clinique, je suis face à une butée quand surgit la notion de jouissance, car face à ce qui apparaît comme un réel la pensée est arrêtée. Ainsi, penser la question en terme de passion de l’ignorance permet d’ouvrir en particulier sur la question du sujet et de sa responsabilité de sujet sur cette jouissance. Car si le sujet ignore ou jouit, c’est selon son vœu.

Philippe Woloszko Metz, le 26 novembre 2020.

1 J. Lacan. La troisième P 70.
2 J. Lacan. Réponse au commentaire de Jean Hyppolite sur la « Verneinung » de Freud. in Ecrits. P 387.
3 Jean-pierre Bauer. Lettres de l’école freudienne. N° 16.
4 Cité par Roland Gori. In Logique des passions. Denoël. 2002. P189.
5 Roland Gori. Op. Ci. P189.
6 S.Freud. La dénégation (1925). Supplément au n° 7 de l’unebévue. hiver 1995/printemps 1996. texte allemand de 1925 dans Imago.Trad: Eric Legroux, Christine Toutin-Thélier, Mayette Viltard. P14.
7 Jean Hyppolite. J. Lacan. Séminaire I. Les écrits techniques de Freud. Version Valas. P166.
8 J. Lacan. Réponse au commentaire de Jean Hyppolite sur la « Verneinung » de Freud. Op. Cit. 9 J. Lacan. Séminaire XX. Encore. Version Valas. Séance du 13 février 1973. P 199.
10 S. Freud. Le clivage du moi dans le processus de défense. O.C. T XX.
11 S.Freud. Abrégé de psychanalyse.O.C. T XX.
12 Op. Cit. P 221.
13 Le clivage.. P222.
14 Ibid.
15 Abrégé P300. Op; Cit.
16 Ibid. P302.
17 J. Lacan.1968-06-19 CONFÉRENCE. In Pas tout Lacan. p1205.
18 J. Lacan. Les écrits techniques de Freud. Séminaire I. Version Valas. P 463 à 465.
19 Ibid.
20 Ibid.
21 Alain Vannier. Passion de l’ignorance. ERES. « Cliniques méditerranéennes » 2004/2 no 70. P64.
22 J. Lacan. Op. Cit.
23 S. Freud. Actuelles sur la guerre et la mort. O.C. TXIII. p156.
24 J. Lacan. Séminaire VI. Le désir et son interprétation.
25 Op; Cit. P742.
26 J. Lacan. Séminaire XXII. R.S.I. Séance du 10 février 1974. Version Valas. P25.
27 J. Lacan. Encore. Séminaire XX. Version Valas. P250. Séance du 8 mai 1973.
28 J. Lacan. séminaire I. Op. Cit. P464.
29 Ibid. P 463.
30 J. Lacan. Conférence du 19 juin 1968. Op. Cit. P1208.
31 J. Lacan. Séminaire I. Op. Cit. P 760.
33 Gérard Pommier. Qu’est-ce que le « réel »? Ères 2004.
34 Souligné par nous.
35 Ibid. P18.
36 J.Lacan. Le désir et son interprétation. Séminaire VI. Version Valas. Leçon du 17/12/58, P174.
37 Pommier. Op. Cit. P48.