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Que faisons-nous porter à nos enfants ?

Brétecher couverture les mères

Couverture de l’album “Les mères”, de Claire Brétecher.
Tout ce que voulez savoir sur ce qu’on fait porter à nos enfants (sans oser le demander!)..
A Thionville, un groupe informel de femmes se réunit chaque mois autour d’un conférencier pour débattre des problèmes d’actualité dans la cité. Le 18 janvier 2014, Philippe Woloszko, psychiatre et psychanalyste, a été invité pour parler de l’héritage que nous transmettons à nos enfants, et comment le faisons-nous, bien souvent à notre insu ? Ce soir là, soixante femmes étaient présentes.
Dans son style drôle et agrémenté d’exemples cliniques habillés d’humour, nous allons entrer dans ce domaine qui nous parle et nous concerne tous, avec jubilation et intérêt.
Quand la psychanalyse se transmet ainsi, c’est à saisir…

Que fait-on porter à nos enfants?
«Tout le monde n’a pas la chance de naître orphelin » écrivait Jules Renard. Qu’on soit père ou mère, si on aime son enfant, on est entier dans la relation avec lui. On y est avec nos émotions, nos sentiments, notre corps et notre histoire. On y est aussi alors, avec nos problèmes avec tout ce qu’on vit ou qu’on ne vit pas, avec nos familles, nos amis, nos boulots.

Élever un (ou des) enfant(s), l’aimer, le protéger, lui faire découvrir le monde, l’accompagner de plus en plus discrètement dans l’aventure de la vie ; ce n’est pas un emploi à 35 heures, il n’y a pas de mode d’emploi, c’est toute une partie de la vie. Les recettes ont toutes échouées et ne peuvent pas s’adapter à la vie, ni à la personnalité de chaque enfant, et aujourd’hui moins que jamais à l’accélération phénoménale des changements. Les repères que l’on peut avoir de notre enfance deviennent difficiles à utiliser.

Alors comment faire ? Rassurez-vous je n’ai pas une nouvelle recette, ni même un régime. Il n’est pas possible de réussir ! On ne peut qu’essayer de le faire du mieux possible. Les parents sont tous des êtres humains, si un parent est parfait, il n’est pas un être humain pour son enfant ; c’est comme s’il était élevé par une machine. Imaginez-vous être sans cesse confronté à quelqu’un de parfait, il y a de quoi devenir dingue. En tant que parent, on ne peut qu’apprendre au fur et à mesure, à tâtonner, à réfléchir ; à accepter de se remettre en question.

Marylène de Claire Brétecher
Marylène de Claire Brétecher

Mon travail me permet d’entendre chez les gens que je reçois, ce qui leur a posé des problèmes dans leur enfance et plus tard dans leur vie. Ce que je vous propose ce matin, c’est d’essayer de réfléchir ensemble sur le sujet de ce qu’on peut transmettre à nos enfants et aussi à ce qu’on leur fait porter. J’aborderai 3 questions :
-Ce qu’on leur fait porter parce qu’on les aime.
-Ce qu’on leur fait porter pour nous.
-Ce qui se transmet à travers les générations.

Pour chacune de ces questions, je prendrai 1 ou 2 exemples, cela sera suffisant pour comprendre de quoi il retourne, et cela vous laissera le loisir de penser à d’autres situations.
Ces questions sont difficiles et peuvent être douloureuses pour beaucoup d’entre nous. Alors on va s’amuser un peu, ça détendra tout le monde. J’ai rédigé une petite saynète, qui sera lue par X et X. Cela illustre des situations que l’on peut prendre comme des exemples presque réels. Tout ce qu’il y a dans ces petits jeux de rôle, je l’ai entendu ou observé; j’ai juste présenté les paroles entendues dans un ordre différent et plus plaisant.

Clémentine et Saumonette

Clémentine et Saumonette sont deux copines qui vont déjeuner ensemble.

-Clémentine : Bonjour Saumonette comment vas-tu ?

-Saumonette : Bonjour Clémentine, pas terrible, je suis épuisée, ma petite fille Ondine, ne veut plus dormir après le dîner.

-C. : Mais c’est un bébé, elle a bien 11 mois ?

-S. : Oui, mais c’est depuis Noël, le soir elle ne veut plus quitter mes bras.

-C. : Tu en as de la chance ! Moi, depuis que Colin est retourné chez sa femme, je n’ai plus personne à câliner. Et le soir je me sens si seule.

-S. : Je te comprends bien parce que Fidel, mon compagnon, a changé de chef juste avant les fêtes de fin d’année. Et son nouveau patron, Ducan a imposé une nouvelle méthode de travail. Tous les soirs, après dîner, ils s’échangent leurs impressions par sms pendant des heures.

-C. : Ils parlent de ton régime ? C’est ça la nouvelle méthode de Ducan ?

-S. : Non ils discutent de ménage-ment, pardon de management ; Fidel m’a bien expliqué, il doivent réorganiser tout le service.

Management je me marre de Gabs et Jissey
Management je me marre de Gabs et Jissey

-C. : Le service de table pour le dîner ?

-S. : Pas du tout, c’est le service trois pièces de Fidel qui va être réaffecté.

-C. : Oh, il doit être très affecté !

-S. : Ça tu peux le dire, depuis il est tellement préoccupé qu’il ne me touche plus.

-C. : Ca alors je n’arrive pas à te croire, je ne peux pas imaginer Fidel castré !

-S. : Bon assez de bêtises, allons déjeuner et nous pourrons parler d’Ondine.

Elles choisissent un restaurant.

-C. : Tiens un restaurant vietnamien, ça te dit ?

-S. : Ah non, tu sais que ma mère est née au Viêt-Nam ! Alors quand je vois la carte de ces restaurants, j’y retrouve tous les petits noms qu’elle me donnait quand j’étais petite. Mon petit canard laqué, ma poulette à la citronnelle, ma petite pousse de bambou. Ca me coupe complètement l’appétit.

Image de Claire Brétecher 'Les mères"
Image de Claire Brétecher ‘Les mères”

-C. : Et c’est parce qu’elle te trouvait appétissante qu’elle t’a appelée Saumonette ?

-S. : Non c’est mon père Jonas, un grand pêcheur, qui m’a donnée ce prénom. Il dit toujours qu’il voudrait retourner dans le ventre de son Anémone de mère.

-C. : Alors il t’a gardée dans ses filets ?

-S. : Elle est vieille celle-là, les filets de Saumonette.

-C. : Je vois, alors pas de restaurant de poissons non plus, ça serait du cannibalisme ! Tiens, allons au « Comme chez soi », on pourra y parler de nos histoires de famille.

-S. : Très bonne idée, ça sera comme à la maison, c’est tout l’intérêt d’aller au restaurant ; ce qui change c’est qu’on ne fait pas la vaisselle et qu’il n’y a pas de linge sale à laver en famille.

-C. : Bon, je vais prendre le saumon aux agrumes ; comme ça entre Saumonette et Clémentine je ne serai pas trop dépaysée. C’est Noé, mon père, qui me disait toujours : quand tu ne connais pas, repère toi à ce qui te semble le plus familier, ça évite les pépins.

-S. : Oui, c’est vrai, ton père a peur de tout. Tu me racontais la dernière fois qu’il ne sortait jamais de son quartier, Clémentine !

-C. : Ce que je ne t’ai jamais confié, c’est que jusqu’à mes 12 ans, chaque fois que je sortais de mon quartier, je perdais ma peau ; je pelais sur tout le corps. C’était horrible, douloureux. Je ne pouvais plus sortir, comme mon père.

Album "Allergies" de Claire Brétecher
Album “Allergies” de Claire Brétecher

-S. : Ca a du être affreux. Et quand ça s’est arrêté ?

-C. : Quand on a du déménager et que mon père est sorti de son quartier.

-S. : Mais je croyais qu’il ne pouvait pas changer de quartier, Clémentine ?

-C. : Oui, mais ma mère a eu un super logement de fonction à Guéntrange, ils s’y sont installés. Et alors mon père a de nouveau eu le psoriasis sur tout le corps, le même que celui qu’il avait jusqu’à ma naissance. Depuis, il ne sort plus car il est tout rouge-orange.

Album "Les mères" Claire Brétecher
Album “Les mères” Claire Brétecher

-S. : Je vois, l’heureux père qui se repère avec ce qui lui est familier, comme ça les maladies ne sortent pas de la famille.

-C. : Très drôle ! Mais tu as raison c’est dans la famille, le père de mon père, mon grand-père Martial a fait la guerre et son surnom à l’armée était : « pas de quartier » ; il était très sanguinaire. Bon regardons la carte. Qu’est-ce que tu manges alors ?

-S. : Cette discussion m’a donnée envie de boudin ; je vais prendre le boudin maison.

Album "Agrippine et l'ancêtre" de Claire Brétecher
Album “Agrippine et l’ancêtre” de Claire Brétecher

-C. : Bien, on avait dit qu’en mangeant on parlerait d’Ondine. Si je comprends bien depuis sa naissance, Fidel ne te regarde plus.

-S. : Oui, c’est ça. Mais heureusement la petite, quand elle est dans mes bras, me regarde tout le temps et ainsi je suis comblée. Et moi, je ne vois qu’elle. Je me doute bien qu’il y a un problème avec Fidel, qui ne voulait pas d’enfant, je pense que ça lui passera, mais avec Ondine qui a les yeux de son père, je ne manque de rien, elle dort avec moi.

-C. : Finalement, ta fille te rend service, elle te permet de ne pas t’apercevoir que ton mec n’est plus en phase avec toi !

-S. : Ah oui je n’avais pas pensé à cela. Ondine et moi on est tout à fait en phase. A propos de phase, ton neveu, Constant, tu sais je le vois chaque année quand ton frère et sa compagne viennent chez tes parents.

-C. : Oui, il est adorable, si doux et câlin.

-S. : Il l’est tellement que quand on le voit, on a envie d’aller jouer avec lui. Il y a quelque chose que j’ai remarqué. Dès qu’il y a au moins 2 personnes avec lui, des enfants et même parfois des adultes, ils se disputent. Et Constant, lui, les regarde impassible.

-C. : C’est vrai maintenant que tu le dis. Maman m’a raconté que ses parents n’arrêtent pas de s’engueuler, et ils ne voient même pas que Constant les regarde l’air impassible.

-S. : Tu en as parlé avec eux ?

-C. : Oui, je leur ai dit que ce n’était peut-être pas bon pour Constant de se déchirer devant lui. Ils m’ont répondu qu’ils lui avaient expliqué que Papa et Maman s’aimaient très fort et que tout allait bien.

-S. : Ca me fait penser à Bénédicte. Elle est allée manger chez ses parents dimanche midi ; ça s’est très bien passé, tout était comme d’habitude. En rentrant chez elle, sur Facebook elle apprend que ses parents vont divorcer; son père s’est mis comme célibataire.

-C. : Heureusement qu’on a internet pour être informée !

On va attaquer la 1ère question que je vous ai annoncée : ce qu’on leur fait porter parce qu’on les aime. Rappelez-vous l’histoire de Saumonette et ses parents : la mère née au Viêt-Nam et son père Jonas. Les petits noms si appétissants que portait Saumonette. Et puis vous avez bien entendu les noms que j’ai donnés à mes héroïnes. C’est mignon tout plein les petits noms que l’on donne à nos enfants. Mais le plus souvent, ça renvoie à des idées de choses que l’on dévore, comme des ogres, ou qui gratte comme des puces. Qu’est-ce donc que cet amour que l’on donne à nos enfants ? Est-ce que cet amour ne serait pas un amour pur, avec que des éléments positifs ? Hé bien, cet amour pur ça n’existe que dans les contes pour enfants, qui eux-mêmes le plus souvent n’y croient pas. Si on aime un enfant, on l’aime dans tous les sens du mot aimer : comme un enfant, un être unique, du chocolat ; on l’aime avec tous nos sens on les regarde, on les touche, on les entend, on les sens et on les goutte, on les embrasse. Mais ne vous inquiétez pas, pour les noms dont vous avez affublés vos enfants, ils ne sont pas traumatisés par ça, quelques histoires d’ogre, Hansel et Gretel et le tour est joué. Ils comprennent alors qu’il n’y a pas d’amour sans au moins un peu d’agressivité.

Album "Le destin de Monique" de Claire Brétecher
Album “Le destin de Monique” de Claire Brétecher

Pour l’histoire des restaurants où Saumonette ne peut pas aller ; si elle ne peut manger dans ces restaurants, ce n’est évidemment pas uniquement en rapport avec son prénom ou ses petits noms. Les relations entre les enfants et leurs parents sont multiples, riches et aussi uniques. Vous êtes toutes, sauf celle qui ont eu la chance d’être orphelines, les enfants de vos parents. Jules Renard qui a écrit cette phrase a été martyrisé par sa mère. On le voit bien, l’amour entre adultes a des aspects ou on souffre, tout le monde l’a vécu ou l’a observé ! Il en de même avec les enfants, si on les aime. Si vous ne les aimez pas, vous pouvez tranquillement attendre qu’on aborde la 2ème question. Avec la plus grande attention, vous ne pouvez pas toujours éviter de blesser vos enfants. Mais quand on le fait, pourquoi ne pas s’interroger sur ce qui s’est passé ? Bien sur, c’est difficile de comprendre ce qui se passe pour eux. Mais on peut aussi se poser la question de nos sentiments à ce moment là, pour nos enfants. Dans quel sens du mot aimer, on les a aimés à cet instant ? Mais le plus souvent, on ne s’aperçoit pas qu’on l’a blessé, on ne s’en rend pas compte. C’est quand les enfants ont grandi qu’ils peuvent nous le faire entendre ou pas, comme certains d’entre nous l’ont peut-être fait avec leurs parents. C’est ce dont je vais parler dans la 2ème question : ce qu’on leur fait porter pour nous.
Album "Le destin de Monique" de Claire Brétecher
Album “Le destin de Monique” de Claire Brétecher

On va prendre l’exemple de Constant, ses parents se disputent violemment devant ce petit garçon, qui ne sait pas que faire de cette violence. Il lui faut en faire quelque chose pour ne pas être emporté par ce déchaînement. Il pourrait en parler, mais on lui a fait comprendre qu’il n’y avait rien à en dire. Alors, il pourrait être touché, atteint par cette vague ; on pourrait imaginer qu’il ne mange pas ou ne dorme plus, qu’il fasse un eczéma ou des problèmes de digestion, bref qu’il soit blessé ou malade. Mais ce petit garçon a trouvé un autre moyen de se défaire de cette énergie dangereuse, toxique pour lui. Il va transmettre, il va donner à quelqu’un d’autre la charge de ce qui le touche, d’autres que lui vont éprouver, vivre, répéter ces disputes. Cela lui permet de faire sortir de lui, de son corps cette énergie, c’est ça aussi la transmission. Ce n’est pas la même chose que dans le travail, où un supérieur hiérarchique donne à son collaborateur la charge du travail qu’il n’a pas envie de faire. Dans l’exemple de Constant, il n’est pas conscient de ce qui se produit, il transmet sans savoir ce qu’il transmet. Et, ça le soulage, il ne souffre pas trop de ces disputes. L’énergie le traverse comme un courant électrique, ça le secoue un peu, laisse peut-être quelques traces de brûlures, mais ça ressort comme c’est entré.
Je vous racontais tout à l’heure qu’avec les enfants le plus souvent, on ne s’aperçoit pas qu’on les a blessés, qu’on ne s’en rend pas compte. Il y a en nous des forces actives pour que cela reste inconscient ; comme par exemple d’avoir à supporter cette énergie négative dans notre corps, c’est vraiment très difficile et pénible de rendre certaines choses conscientes. (C.F. la blague de la dette.). Dans la saynète, c’est ce qu’il se passe entre Saumonette (la pauvre) et sa fille Ondine. Ce bébé fait chaque soir l’effort de rester réveillée pour ne pas laisser sa mère se rendre compte qu‘elle est seule et colmater ainsi ce que Saumonette ne veut pas savoir. J’ai rencontré une femme dont le bébé ne dormait jamais pendant la nuit, le bébé a dormi le jour où cette femme, cette mère a entendu qu’elle était extrêmement angoissée que son bébé meure pendant la nuit. Le bébé pleurait toute la nuit pour rassurer sa mère ; et cela jusqu’à ce que cette mère prenne cette angoisse sur elle, qu’elle l’éprouve à son tour, qu’elle l’assume, elle.
Plus on est proche d’un enfant, plus on transmet. Dans ce qu’on transmet, il y a la plupart du temps, surtout des choses positives qui vont aider l’enfant à grandir, lui donner du bonheur et lui permettre de se construire une vie la plus plaisante possible. Mais on ne peut pas choisir ce que l’on transmet. Par exemple, quand on ne veut pas que nos enfants vivent quelque chose qu’on a traversé, on va faire l’inverse. Ce qu’on fait alors, c’est continuer à donner de l’importance à par exemple la nourriture. Une femme qui a eu des problèmes d’anorexie, peut en faisant l’inverse, trop inciter ses enfants à beaucoup manger, et ils vont finalement se retrouver comme la mère avec des problèmes de poids. Est-ce que cette femme pourra un jour accepter que les problèmes de poids ou de nourriture soient les siens, et ne regardent pas ses enfants ? Mais, parfois ce n’est pas possible de faire autrement que de transmettre aussi des choses négatives, ce qu’on veut pour lui n’est pas ce que lui veut. Et que se passe-t-il si on ne veut rien pour un enfant ? Ce que je pense est que si on ne projette pas sur un enfant, cet enfant ne peut pas se projeter dans la vie, il sera un enfant peu animé, qui ne s’intéressera à rien dans ce qu’il vivra.
Claire Brétecher album "l'ancêtre"
Claire Brétecher album “l’ancêtre”

Nous voilà arrivés à la dernière question, ce qui se transmet à travers les générations. Dans ma saynète, c’est l’histoire de Clémentine, son père et son grand-père. Ce que je raconte d’un enfant qui pèle sur tout le corps, est un fait réel ; le reste de cette histoire, je l’ai construit afin d’illustrer mon propos ; d’une façon qui me semble à peu près réaliste. On est en présence d’un homme Martial, un sanguinaire, qui est en fait un tueur, il ne fait pas de quartier. Un passé pareil, ça laisse des traces sur ses enfants, d’autant plus que ces histoires là, ça ne se raconte pas entre la poire et le fromage. Ainsi, son fils, le père de notre chère Clémentine, va hériter de ce passé paternel. Il cherche un moyen d’exprimer ce qu’il a perçu chez son père, sans vraiment savoir ce dont il s’agit. Exprimer c’est faire sortir de soi, alors il a trouvé ce symptôme qui met en jeu le mot « quartier ». De « pas de quartier » ça devient pour lui : « pas changer de quartier » ; avec là, un prix à payer, une dette à honorer : il ne peut plus s’éloigner de sa maison. Cet homme a un deuxième symptôme un psoriasis généralisé, qui est en partie relatif à l’histoire de son père et en partie lié à d’autres choses dont nous ne savons rien ici, et dont ce n’est pas le propos. Cet homme engendre une fille qu’il nomme Clémentine, ce nom évoque à nouveau ce mot « quartier » qui est alors en jeu pour Clémentine ; il transmet à sa fille le trou, l’énigme, l’impensable de l’histoire de son père et il transmet en même temps toute la dimension d’horreur portée par cette histoire. Clémentine en naissant guéri son père de ce qu’il montrait sur sa peau : la rougeur, on ne sait pas s’il s’agit d’une rougeur de honte, ou que cela rappelle le sang versé, ou une orange sanguine, peu importe. Elle prend sur elle un des symptômes de son père, celui qu’il portait sur sa peau, et cette peau n’est pas la sienne, régulièrement elle tombe cette peau, en pelant Clémentine. Pour la fin de cette quasi fiction, j’ai fait une happy end ; où par une intervention énergique de la mère, le père a du assumer le symptôme de la rougeur en acceptant de surmonter la douleur du déménagement ; de traverser la question du « pas changer de quartier ».
Dessin de Sempé
Dessin de Sempé
Je n’irai pas plus loin, pour cette histoire de transmission à travers les générations qui aboutit à Clémentine. Je pense que vous percevez à quel point ce sont des problèmes éminemment complexes. Chacun a dans sa famille des fantômes qui suivent les générations ; et qui parfois engendrent des souffrances terribles. Pour sortir de ces problématiques je ne connais que la psychanalyse, je ne prétends pas tout connaître et qu’il n’y a pas d’autres possibilités de résolution, mais la psychanalyse, malheureusement si décriée aujourd’hui, peut souvent donner des clés.

Philippe Woloszko
Psychanalyste, psychiatre à Metz
Président de l’association “À Propos”
Thionville, le 18 janvier 2014.

"Marylène" de Claire Brétecher
“Marylène” de Claire Brétecher


Extraits des livres
Livre : le management je me marre !… Gabs/Gissey, Edts Eyrolles image cursus.
Livre : “Comment se débarrasser de son psychanalyste” d’Oreste Saint-Drôme
livres de Bretécher Claire : Les Mères, Agrippine et l’ancêtre, Allergies, Le destin de Monique, desquelles ont été extraites et photographiées par mes soins les autres illustrations en exergue du texte.