Aller au contenu

Qu’est qu’un CARTEL dans la démarche de formation psychanalytique

Qu’est qu’un CARTEL dans la démarche de formation psychanalytique

Un Cartel est un dispositif privilégié d’étude de la psychanalyse constitué de quatre personnes plus Une qui se forme pour une durée déterminée d’environ un an.

Le jeudi 16 octobre 2025 commence notre premier Cartel. 

Nous nous sommes donc réunies à Paris, entre analystes pour élaborer un savoir d’étude : psychanalytique, théorique, clinique ou politique dans le cadre de l’association : Analyse Freudienne ; respectant le thème de l’année 2025-26.

C’est en 1964 que Lacan fonde son Ecole en inventant ce dispositif de base servant de socle à la formation du psychanalyste auquel nous pouvons ajouter : l’adhésion à une association et le suivi d’une supervision, appelée aussi contrôle avec l’un de ses pairs.

Cette possible et bienvenue mise à ciel ouvert à l’occasion par exemple d’une séance de travail pourra être également énoncée selon le désir de chaque cartellisant afin d’y trouver sa résolution.

Ici, pas de maître détenant un savoir par avance, pas non plus de disciple passif, mais bien plutôt un temps où chaque analyste va se mettre au travail en quête d’un bout de savoir nouveau afin  d’en produire quelque chose. Une trouvaille propre à chacun peut avoir ainsi, effet de formation.

Cette tâche à réaliser au sein de l’association Analyse Freudienne, peut aussi au bout d’un an, être renouvelée une fois si besoin.

L’enseignement de Lacan via Freud et quelques autres, seront ô combien sollicités pour découvrir et redécouvrir ce qui fait boussole en pratiquant une lecture mise en relation avec notre époque. De fait, un enseignement non figé, vivant qui donnera de l’élan à la pensée décomplexée de ses effets imaginaires. 

Déchiffrer les dires de chaque cartellisant n’est-ce-pas solliciter pour soi une ouverture vers son inconscient, si résistant à notre quête de vérité ? Pour se faire, il sera nécessaire aussi de s’exprimer spontanément par ses associations libres, en évoquant des moments de transfert dans sa clinique, pas évidents à soutenir.

« Le SÉMINAIRE livre XV : L’Acte psychanalytique »  

Lors de ce premier rendez-vous, une cartellisante nous proposa de réfléchir ensemble sur le début de ce séminaire, livre XV, texte  établi par Jacques Alain Miller. L’étrange écriture lacanienne pour parcourir les labyrinthes de l’humain m’invita à lire les premières pages en m’interrogeant sur ce passage de l’aspect oral de l’enseignement à celui d’un texte établi paru en février 2024. 

En 1970, Lacan choisit et charge J. A. Miller pour passer de l’oral à l’écrit. Deux désirs se rencontrent pour transmettre un texte singulier et difficile. 

Le choix sera fait de conserver l’aspect oral, sans résumé ni critique, juste traduit par la logique qui va maintenir un rapport vivant à l’enseignement métamorphosé en oeuvre.

De la parole à l’écriture, de la personne de Jacques Lacan en auteur pour les générations nouvelles qui ne l’ont pas connu, suscita aussi un transfert à Lacan via son oeuvre. En ce qui me concerne, n’étant jamais allée l’écouter dans ses séminaires qui se sont déroulés de 1950 à 1980, cet enseignement est resté essentiellement oral.

Cette oeuvre a une forme telle que le savoir concerne une dimension de SUPPOSITION, Lacan sait ce qu’il dit car dans ses mémoires, l’auteur n’est pas identique à lui-même, nous y découvrirons : Lacan contre Lacan qui fait l’effort permanent de déjouer sa pensée ainsi que l’appréhension dogmatique de celle-ci. 

Le séminaire se constitue comme une tentative inédite de se rapprocher de la psychanalyse sans se figer dans un quelconque traité psychanalytique à l’instar de l’inconscient qui s’inscrit en faux contre toute tentative de transparence. Lacan n’était jamais là où il était attendu dans son enseignement, nous dira J.A. Miller.

Malgré de nouveaux aperçus et de nouvelles interprétations, l’auteur reste toujours aussi insaisissable. Le pari de J.A. Miller a été de nous livrer une oeuvre vivante permettant une nouvelle lecture avec les changements d’ époque.

Nous donner de l’élan, nous éveiller et résister à la routine des significations, voire à l’endormissement, sera-t-il pour nous aussi un pari réussi ? 

Nous y veillerons…

C’est dans cet état d’esprit que j’ai abordé ce premier rdv du cartel inscrit dans notre séminaire bilingue de Paris, sous la responsabilité de Robert Levy, séminaire initié par l’association Analyse Freudienne sur le thème de l’année : 

« L’Acte analytique, ni religieux, ni politique ? »

Introduction à l’oeuvre du séminaire XV : mes réflexions issues du cartel.

« La psychanalyse ça fait quelque chose » Lacan. La place de l’analyste est là pour Entendre plutôt que comprendre. Entendre le signifiant et non pas le sens ou la signification comme dans une écoute ordinaire. Le fil rouge qui traverse l’oeuvre, c’est l’acte symptomatique d’ailleurs qui révèle le sujet de l’inconscient. Un acte significatif, cet acte est un dire qui affirme : «  je commence une psychanalyse », ce qui permet à l’analysant d’entreprendre sa tâche. Il y a donc un avant la psychanalyse et un après, cet acte de consentement à la cure en faisant de celui qui écoute et entend surtout un analyste.

Lacan qui s’est un peu intéressé au champ de la poésie nous dit qu’elle aussi : « ça fait quelque chose ». Les émotions, les silences, le rythme et la mélodie des métaphores et métonymies en disent davantage que la Lettre elle-même.

L’homophonie à l’oeuvre dans le discours entendu en dit davantage encore… ça fait voyager.

Dans une analyse, la dimension du sujet qui s’appelle l’inconscient est mise en acte, un franchissement s’est produit par cet acte de dire ce qui vient à la pensée non censurée.

LE TRANSFERT 

Le transfert est fait d’une intense relation affective entre le patient et son analyste. 

C’est un processus au cours duquel, des sentiments et désirs inconscients envers les premiers objets investis dans l’histoire d’un sujet – le plus souvent les parents – , se trouvent reportés sur sa personne. Cette mise en acte de l’inconscient par le transfert, Lacan l’avait déjà formulé approximativement dans un temps ancien à propos justement du transfert. Cette approche sera au mieux définie dans le livre XV par le mot d’acte comme franchissement.
L’entrée d’une psychanalyse où se rencontre l’acte, dégage bien la notion d’engagement. L’acte psychanalytique devrait intéresser tout le monde dira Lacan, qui était toujours au fait de son époque, penseur pour le monde contemporain.

LE STATUT DU SAVOIR DES DEUX COTES : analyste et analysant ?

Il ne s’agit pas du Cogito de Descartes : « je pense donc je suis ».

Ni d’une psychologie positive par une parole libératrice ou une invitation à comprendre l’introspection afin d’y trouver sa partie divine. Par la méthode de la libre association d’idées et de pensées, l’analysant va découvrir ce qui lui échappe dans son narratif, en abordant un savoir nouveau, à son insu.

Côté analyste, c’est en tenant sa fonction de sujet supposé savoir via ses interprétations, qu’il permettra à son patient de déchiffrer son inconscient.

Donc d’un côté, un savoir insu et de l’autre, un savoir supposé.

DEVENIR ANALYSTE EST-CE UN ACTE ?

C’est dans ce séminaire XV, qui marque un tournant que Lacan traite d’une question d’une seule : « qu’est-ce qu’un analyste ? ». 

Réponse : c’est un analysant qui a mené à son terme l’expérience analytique.

« A son commencement il y a un désir inédit, qui suppose un franchissement, c’est à dire un acte, à l’instar de César passant le Rubicon. Mais l’acte psychanalytique proprement dit, c’est le psychanalyste qui l’accomplit, en ouvrant à cet analysant le champ dit du « sujet supposé savoir où se déchiffre l’inconscient ». J. A. Miller.

 

L’ACTE OU L’ACTION 

L’action s’identifie à la motricité. La pensée serait supérieure à la réponse inférieure de l’organisme ? Parler sur un divan se situe par l’acte, ni à la référence motrice, ni à la décharge. Pas de théorie physiologiste concernant l’appareil psychique chez Lacan, le processus stimulus-réponse n’a pas sa place ici.

 

L’ACTE DE NAISSANCE DE LA PSYCHANALYSE 

Qu’est-ce qui existait avant ? l’inconscient a bien fait sentir ses effets avant par les formations de l’inconscient (lapsus, actes manqués, oublis, mots d’esprit : witz, rêves etc..).

Si la réalité de l’inconscient est antérieure à la naissance de la psychanalyse, qu’en-est-il du savoir ?

Ce savoir n’est pas la connaissance, le savoir-vivre ou le savoir-faire peuvent naître à un moment donné. En fait, l’analyse nous laisse entendre la méconnaissance que nous découvrons dans notre rapport d’être parlant ( le parlêtre dira Lacan) au langage, dépassant le sens et ou la signification pour entendre le signifiant qui gouverne nos actes.

Après avoir logé le savoir chez l’autre, l’analyste comme sujet supposé savoir, une cure devrait nous amener du côté du sujet désirant au sein de la conquête de son propre savoir. Ainsi, son analyse aurait tiré à conséquence.

 

Chantal CAZZADORI, Psychanalyste en libéral à AMIENS