Vitraux de la Cathédrale de Metz
Avec mes collègues d’A Propos, je voudrais tout d’abord dédier cette journée à mon, à notre ami Michel Jager, qui nous a quitté, il y a trois mois…
Les évènements épouvantables des 7, 8 et 9 janvier me font réagir, en tant que psychanalyste, ici, sur deux points.
Le premier est la liberté d’expression qui a été attaquée. Il s’est agit de faire taire ceux, qui le sont ainsi devenus le symbole d’une parole qui dérange, qui ne s’inscrit pas dans l’ordre des discours établis, comme l’est le discours analytique. La liberté d’expression, dans un cadre défini, est la règle fondamentale de la pratique de la psychanalyse. Elle est aussi un acquis nécessaire, indispensable à l’expression du sujet, sujet de l’inconscient. C’est sur cette question, que Freud, achève son manuscrit fondateur de la psychanalyse: «Die Traumdeutung.»(1): « Il pense que l’empereur romain qui fit exécuter un de ses sujets parce que celui-ci l’avait assassiné en rêve a eu tort. » En effet, il se demande « s’il faut accorder une réalité aux désirs inconscients et de quelle sorte elle pourrait être. »(2) Sa réponse consiste à inventer : «la réalité psychique (qui) est une forme d’existence particulière.»(3) Cette « réalité psychique » n’est rien d’autre que ce que Lacan a formalisé bien plus tard en tant que « sujet de l’inconscient », que nous appelons couramment « sujet ». Cet empereur qui s’est senti « blasphémé » a fait taire son sujet, mais nous savons que le sujet ne peut-être tu; qu’il y a toujours des paroles qui se disent au même titre que le « désir est indestructible »(4): mots avec lesquels Freud conclue ce livre.
Le second point se rapporte à ceux qui ont été assassinés. L’équipe de Charlie Hebdo, je viens de l’évoquer, et je tiens à rappeler la mémoire d’Elsa Cayat, psychanalyste, juive et seule femme assassinée le 7 janvier dans les locaux de Charlie Hebdo. Les meurtres se sont poursuivis les deux jours suivants, ceci de façon identique aux meurtres perpétrés par Mohamed Merah en mars 2012; tout d’abord des sujets présumés musulmans en uniforme (militaire ou policier), puis des sujets juifs. Qu’est-ce qui est visé? C’est ce qui marque la différence! Les premiers sont exécutés parce qu’ils sont perçus comme des apostats, des traitres, qui introduisent un écart, une solution de continuité, et finalement une différence dans le rapport au dogme. Il n’existe pas de dogmatique religieux tel qu’il supporte un écart, une déviation par rapport au caractère sacré du texte. Ces « apostats »
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1 L’interprétation des rêves. P.U.F. Paris. 1976.
2 Ibidem. P 526.
3 Ibidem. P 526.
4 Ibidem. P 527.
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présentifient qu’il n’y a pas de « rapport textuel ». Le déni du « il n’y a pas de rapport textuel » peut se faire en éliminant ces musulmans « déviants », soit de façon systématique comme au Moyen-orient, en Afghanistan ou en Afrique et ailleurs, soit symboliquement, mais réellement devant nos yeux. Ainsi, le texte tue elle: les maux pour le voir.
Les seconds dans l’orde chronologique de leurs assassinats sont des sujets juifs. Le juif représente ( cela ne veut pas dire qu’il l’est ) depuis des temps immémoriaux dans le monde judéo-islamo-chrétien et maintenant dans le monde entier, l’irréductible différence, ce « au moins un » tel qu’il n’est pas tout dans la fonction de l’ordre universel du monde. Le juif représente ce qui est inassimilable, irréductible à la fusion en un un unique, qu’il n’y a pas de trait unaire unique réglant les rapports sociaux entre les hommes. L’antisémitisme est une forme de racisme particulier en ceci qu’il désigne, pour l’exclure, le juif en tant que représentation de représentant, en tant que signifiant, de la haine de l’Autre. ( S(Ⱥ) ).
Ce que je viens d’énoncer est un manifeste, écrit dans les jours qui ont suivis ces évènements tragiques. Le manifeste renvoie au latent qui est directement en rapport avec le thème de cette journée, concernant la question du sexuel. J’ai employé à dessein les signifiants que Lacan utilise dans les formules de la sexuation afin de souligner la proximité de ces actes avec la question sexuelle, le déni de la différence de lecture du texte n’est qu’un Avatar du déni de la différence des sexes.
Je vais maintenant me limiter au cadre que j’ai donné dans le titre de cette intervention: « Côté homme, côté femme »; telle que la question que je me suis posée consiste en: qu’est-ce qu’un homme et qu’est-ce qu’une femme? Je n’ai évidemment pas la réponse, mais je vais tenter de poser quelques jalons. Tout d’abord, rapidement, quelles limites Freud a pu rencontrer dans ses recherches et son élaboration; puis à travers deux exemples, l’un clinique, l’autre à partir d’une fiction: le film de François Ozon: « Une nouvelle amie », que je lirai en m’appuyant sur les théories de Lacan.
Pour Freud, ce qui détermine le sexe c’est l’anatomie. Cette façon de penser conduit à des impasses; en effet cela signifie que l’humanité se divise entre ceux qui l’ont et ceux qui ne l’ont pas. Que représente, ici, ce « L’ »? Le penis, le phallus? Si c’est le pénis, ceux qui l’ont seraient ainsi complémentaires de ceux qui ne l’ont pas, et réciproquement. Leur union serait, alors, la formation d’une unité, qui n’aboutit finalement que dans la procréation. La sexualité se réduirait à la-dite procréation, et tout ce qui en dévie est au XIème siècle est de la sodomie, qui deviendra au XIXème les aberrations sexuelles ou perversions. Cela amène Freud à définir les perversions en deux groupes: les perversions portant sur l’objet et celles
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quant au but. Ainsi, l’anatomie, comme finalement la biologie ne nous permettent pas de déterminer ce qui est homme et ce qui est femme dans le champ de la psychanalyse. Tout ceci est évidemment à remette dans le contexte socioculturel d’il y a plus d’un siècle.
Pour s’en sortir, il faut alors nous rabattre sur le phallus, on est dans un registre symbolique, ce n’est plus de l’anatomie; confondre pénis et phallus revient à dire que la fonction paternelle ne peut être incarnée que par un homme, porteur du-dit pénis entre ses jambes; confusion de la pensée, qui permet de s’opposer à l’éducation d’un enfant, voire plus, par un couple homosexuel; et si on pousse ce raisonnement au-delà de ses limites, on pourrait alors énoncer que si dans un couple la femme « porte le pantalon » cela va faire des enfants pervers; et pourtant ce n’est pas la jupe qui fait la femme; bien que certains y croient.
Freud va, alors, avancer cette idée de la bisexualité constitutionnelle. La bisexualité est innée, héréditaire. Cela présente deux conséquences: la 1ère est que on ne naît pas homme ou femme, on le devient. C’est un véritable changement de paradigme sur la sexuation qui est toujours d’actualité. La seconde consiste en ce que les pulsions partielles vont devoir s’unifier en une pulsion sexuelle, génitale. Ainsi ce qui n’est pas homme est femme, et ce qui n’est pas femme est homme. En faisant fi des pulsions partielles, cela construit un système qui bouche tous les trous, si je puis dire ; par système je veux dire une construction imaginaire, sans faille, qui complète le symbolique: ceci n’est rien d’autre qu’une définition du fantasme.
Alors, on devient homme ou femme par identification, identification à un trait et production d’un idéal du moi. Aujourd’hui on dit identification à un signifiant, signifiant homme ou signifiant femme. C’est tout le champ de la sexuation du point de vue sociologique qui s’ouvre telle que cette identification à des traits idéaux ( traits unaires ) qui conduit à définir les tâches, les rôles et les places dans la société, dans le couple. Cela permet de départager d’un côté les femmes et de l’autre côté les hommes: on ne naît pas femme ou homme, on le devient par identification. L’organe n’est pas premier, mais c’est le langage, ici, sur l’organe qui est déterminant pour le sujet quant à sa place d’un côté ou de l’autre. Cette conception « ségrégationniste » conduit également à des impasses, citons-en deux rapidement : si le sujet se détermine dans sa sexuation comme identifié à un signifiant, cela veut dire qu’il y a un signifiant qui représente le sujet comme sexe auprès d’un autre signifiant lors de la relation sexuelle tel que « le sujet de chaque sexe peut toucher quelque chose dans l’autre au niveau du signifiant. »(5) En formulant ceci autrement, on pourrait dire que la relation sexuelle peut provoquer chez un sujet un changement symbolique, un déplacement du sujet dans la chaîne des signifiants ( c’est ce que l’on voit
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5 Jacques Lacan. Le séminaire livre XIV. Version Valas. séance du 19 avril 1967. P383.
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dans certains déclenchements de psychose), mais ici en particulier sur le signifiant du sexe ( homme ou femme). Ce n’est pas comme le morpion qui change de sexe lors d’une relation sexuelle, mais la relation ou rapport sexuel serait une rencontre qui sexue, qui détermine un sujet quant à sa sexuation. Un exemple clinique: un gastro-entérologue m’envoie un patient car il a eu du plaisir lors d’un toucher rectal, celui-ci vient poser la question d’une homosexualité suite à ce « rapport sexuel », comme si le plaisir anal faisait l’homosexuel! Dans cet exemple c’est plutôt la jouissance du médecin qui interroge. Cela est une des raisons qui amènent Lacan à énoncer qu’il n’y a pas de rapport sexuel.
La seconde difficulté que je souhaite évoquer concerne la question de la jouissance. Lacan, en introduisant avec la jouissance deux termes positifs: plaisir et jouissance, là où Freud parlait de plaisir et d’au-delà du principe de plaisir, permet un saut épistémique que je ne vais pas développer maintenant. Mais, dans notre question de la différence des sexes, si il y avait rapport sexuel, cela permettrait l’unification des jouissances; tel qu’un sujet peut énoncer: » je peux jouir de ton corps comme tu jouis du mien et ceci est la même jouissance ». Cela ne se peut pas , la jouissance interdit d’atteindre l’Autre; jouir d’un corps c’est l’embrasser, l’étreindre, le mettre en morceaux. Les dérives imaginaires de cette affaire de jouissance commune peuvent s’observer dans la recherche de la simultanéité de la jouissance avec celle du partenaire, alors que : » S’il y a bien quelque chose que nous révèle l’expérience, c’est l’hétérogénéité radicale de la jouissance mâle et de la jouissance femelle. »(6) Il faut donc une autre jouissance. Ainsi, un sujet se détermine dans sa sexuation par son mode de jouissance et sa façon d’articuler le corps et le langage, autrement dit, son rapport au Phallus.
C’est ce que je vais essayer d’étayer à propos du film: « Une nouvelle amie » de François Ozon, puis d’un exemple clinique.
François Ozon a élaboré ce film comme un conte à partir de la nouvelle « Une amie qui vous veut du bien » de Ruth Rendell, publiée en 1985. Il s’agit évidemment d’une fiction, son scénario est la perception du réalisateur des questions de l’identité sexuelle, ainsi toute relation avec des personnages réels ou existants ne serait qu’un effet d’interprétation.
Ma lecture du synopsis : l’enterrement d’une jeune femme, Laura, dont sa meilleure amie, Claire, évoque le coup de foudre de leur rencontre à l’âge de 7 ans, il apparaît qu’il s’agit d’une relation amoureuse, en particulier du côté de Claire, où les éléments d’homosexualité sont patents. Puis Claire surprend David, le mari de Laura, défunte, travesti en femme. Il lui explique qu’il aime tellement les femmes qu’il adore s’habiller en femme. Cet aspect de sa personnalité ne s’était plus manifesté depuis sa rencontre avec Laura.
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6 Ibidem. Séance du 1er mars 1967. P288.
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Il justifie son travestissement par le fait que son bébé a besoin d’une mère. Commence alors un amour entre Claire et David, que Claire va appeler Virginia, sa nouvelle amie.
Il y a donc deux personnages qui sont Claire et David/Virginia.
Chez Claire, les éléments homosexuels sont nombreux: c’est elle qui parle de coup de foudre, dans les images de leur enfance on voit Claire coiffer Laura, la pousser sur la balançoire et rester toujours derrière elle lors des confrontations avec des garçons. Lorsque Laura rencontre son futur mari, David, en boîte de nuit, Claire jète son dévolu sur un homme qui deviendra aussi son mari. Les deux couples habitent proches l’un de l’autre, dans des modes de vie très similaires. Il y a un moment dans le film, où Claire imagine son mari et David sous la douche et fantasme une relation homosexuelle entre les deux hommes. Ce qui me semble remarquable dans ce film, c’est de voir qu’à travers cette relation amoureuse avec Virginia/ David, Claire devient de plus en plus femme, elle semble plus belle plus féminine plus épanouie en tant que femme, même dans les relations sexuelles avec son mari; et cela amène beaucoup de questions. Dans le même temps, David quand il n’est pas travesti, devient lui-aussi de plus en plus féminin par ses attitudes et ses paroles. Ce qui me paraît aussi remarquable est le parcours de Claire, son parcours dans la question de son identité sexuelle. Dans un premier temps, elle identifie Virginia, sa nouvelle amie à Laura, et vit avec elle des moments comparables à ceux qu’elle a pu vivre avec Laura. Lorsque vient se poser la question du désir pour Virginia/ David, elle est profondément troublée, il ne s’agit plus du tout de Laura a ce moment, elle a beaucoup de mal à accepter ce désir troublant, où tout d’abord elle s’y refuse, puis lors de la première relation, elle s’enfuit en voyant le sexe en érection de David/Virginia en disant « mais tu es un homme ».
Quant à David, il est clairement hétérosexuel, il aime profondément les femmes, il est homme et femme. Il explique cela dans cette formule magnifique: » les hommes naissent dans un choux, les femmes dans une fleur, moi je suis né dans un choux-fleurs ». Il est homme dans son choix d’objet: son désir se porte sur les femmes, mais au fond de lui il se sent femme et s’épanouit quand il/elle est femme.
Le film se termine sur la vision du couple Claire et Virginia, allant chercher la fille de David/Virginia à l’école et où Claire est enceinte, apportant là une image des couples et familles tels qu’aujourd’hui ils viennent poser le problème qui est le point du combat politique posé dans le domaine public.
De mon point de vue de psychanalyste, je vais revenir sur deux des questions amenées par le film de François Ozon: celle du sexe qui n’a rien à voir avec l’apparence et celle du rapport entre le sexe et le choix d’objet.
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La question de l’apparence est celle de l’anatomie, de la « nature », aujourd’hui de la biologie, c’est à dire celle du discours de la science. Cela est figuré dans le film par David/Virginia et se fonde par le regard de Claire sur lui/elle. Ainsi, je vais aborder la question de la sexuation de David/ Virginia, par celle du désir en tant que désir de l’Autre, ici, le désir de Claire. Dans un premier temps, Claire désire Laura, à laquelle est identifié David/ Virginia, et ce n’est qu’en voyant son sexe en érection que le voile se lève, David/Virginia n’est pas Laura; il n’est pas une femme, est-il pour autant un homme? La question est centrale dans cette affaire de sexuation, où on passe de l’assertion : » ce qui n’est pas un homme est une femme, et ce qui n’est pas une femme est un homme » à cette interrogation : » si ce qui n’est pas un homme est une femme, ce n’est pas pour autant que ce qui n’est pas une femme est un homme ». C’est là que se produit ce qui me semble un des points les plus passionnant dans cette réponse qu’imagine François Ozon , le désir de Claire ne s’éteint pas ou bien, et cela est mon hypothèse, un autre désir se met en place, prenant appui sur le désir de David/Virginia pour elle. Quelle opération a pu s’effectuer? Il ne peut s’agir que de la production d’une métaphore. C’est à dire qu’à un signifiant a été substitué un autre signifiant. Le signifiant représentant Laura laisse la place à celui représentant David/ Virginia. Il ne s’agit pas là de signifiants du sexe de l’un ou l’autre ou comme représentant le fait d’être ou d’avoir le phallus, mais je pense plutôt à ceci: par le truchement d’un autre corps, ici celui de David/Virginia, et la rencontre d’une autre jouissance, cette opération métaphorique permet à Claire de se soutenir comme désirante.
Pour formuler ceci autrement, et cela m’amène au second point, celui du choix d’objet, j’ai rapproché deux énoncés de Lacan, dans deux textes différents, mais de la même année. Le premier dans Silicet N°4 : « Disons hétérosexuel par définition, ce qui aime les femmes, quel que soit son sexe propre. »(7) et dans le Séminaire : « Encore »(8) à propos de femmes qui aiment un homosexuel il dit: « elles sont hommosexuelles « . Ces phrases sont ici sorties de leur contexte, il ne s’agit pas de les prendre d’emblée au pied de la lettre. Mais cela a le mérite de poser cette question de la différence des sexes en rapport au choix d’objet. Le discours hétérosexuel est celui où, s’opposant au discours » hommosexuel », l’autre-que ( hétéros en grec) le sexuel a sa place. Revenons alors à cette invention de François Ozon : David/Virginia qui désire les femmes est ainsi clairement hétérosexuel(le), Claire qui désire une femme ( ici David/Virginia) est aussi hétérosexuelle. C’est là que s’opère la substitution signifiante, la métaphore, de David/Virginia à Laura. C’est de cette façon que la trouvaille d’Ozon me paraît passionnante, Claire s’épanouit en tant que femme dans cette rencontre avec une femme et David/Virginia
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7 Silicet n°4, Paris, Seuil, 1973, l’étourdit. P23.
8 Jacques Lacan. Le séminaire livre XX. Version Valas. séance du 13 mars 1973. P 184.
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aussi. Il y a là une réciprocité qui ne fait pas équivalence entre les deux sexes. Il apparaît qu’il y a chez la femme, dans sa sexuation, quelque chose qui échappe totalement au sens.
Maintenant, et pour terminer, un autre point de vue, non pas fictionnel , mais extrait de ma clinique. Un homme dit: « les femmes, il me les faut toutes, si je lâche je m’effondre ». C’est un fantasme sur lequel il s’appuie, comme si cela représentait sa colonne vertébrale, il ne trouve pas la femme, au moins une, qui le ferait tenir debout, par la complémentarité qu’il en attend. ( Que s’agit-il de compléter?) Ce prédateur a rencontré une femme avec laquelle il a été l’arroseur arrosé, c’est lui qui s’est trouvé « prédaté » retourné comme un doigt de gant, dans l’après-coup, si je puis dire, de cette rencontre, où il s’est retrouvé dans une position féminine, évaginé! Je figure, ainsi, une formule de son fantasme: « conquérir, être conquis, se faire conquérir ». Dans cette suite de conquêtes, et ceci avant cette rencontre traumatisante pour lui, il trouvait suffisamment de jouissance, il pouvait jouir de son fantasme, et la vie suivait son cours. Il dit de cette rencontre: « ce n’était pas une femme ». Son fantasme implose, et cette recherche de conquêtes devient une quête éperdue, il recherche La femme avec qui un rapport sexuel serait possible, afin de reconstituer son ou un fantasme, tel qu’à deux ils fassent Un, de façon à être un homme. L’irruption du Réel a dégonflé son imaginaire comme une baudruche. Ainsi, il cherche dans le Réel du rapport sexuel « il me faut toutes les femmes » au moins une femme, qui lui donne une jouissance absolue, celle d’avant la castration.
Comment cette affaire s’articule-t-elle pour lui? Il a réalisé son fantasme: « il a été conquis », non pas sur le plan amoureux, mais comme on peut conquérir un territoire, il a été jouit. Le conquérant qui quête le con, c’est à dire qu’il est ici question du phallus. Tel un maître, ce sujet se sert des femmes comme d’un » outils » ( c’est ce signifiant qu’il utilise), un objet, objet du désir ( phallus) qu’il conquiert à chaque relation. Lors de cette rencontre, il est dépossédé de cet objet et se retrouve comme un con, con-quis, ouvert à la prédation par l’Autre. Ces jeux de mots me servent à transmettre ma lecture de ce qui s’est passé. Il y a une castration vécue comme réelle par ce sujet, et s’il s’est perçu dans une identité sexuelle femme, ce n’est pas tant la castration, qui serait ici anatomique, mais par le changement, l’inversion de son rapport au phallus. Il passe de l’avoir à l’être! C’est le rapport du sujet à ce signifiant particulier phallus, qui détermine sa sexuation. Il s’est produit un second changement, bouleversement pour ce sujet: sa jouissance toute phallique, où il jouit du corps de l’Autre, avec tout l’aspect ravageur de cette jouissance, est confrontée brutalement a ceci que c’est lui qui est jouit, l’arroseur arrosé. Il est confronté à un excès de jouissance inouïe pour lui, peut-être une jouissance Autre, comme un con ou plutôt une femme, ( il n’y a là aucune insulte) et face à ce changement de mode de jouissance li dit: « je
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suis un sexe-symbol ». A ceci, il ne trouve d’autre solution que de multiplier les con-quêtes, peut-être un déni non pas de sa castration, mais de sa sexuation. Quand il dit » j’ai la f(l)emme de faire les forts. » Là c’est le « L », dont je vous parlais au début de mon intervention, qui tombe, et que j’entends ainsi : « si je suis femme, qui fait le fort? »; et il se traite « d’usurpateur ». C’est de cette manière qu’il se pose la question: « suis-je un homme, suis-je une femme? ». Cela me conduit à poser une autre question: qu’est-ce qu’un homme, qu’est-ce qu’une femme? Et aussi celle de savoir si la sexuation est une identité, identité sexuelle, avec son caractère de fixité, de rivetage, ou si ce n’est pas plutôt un rapport au signifiant qui change avec la position du sujet dans la chaîne signifiante, en particulier avec ce signifiant singulier qu’est le signifiant phallique. A ce titre, l’inconscient s’il est sexuel, n’est pas pour autant sexué.
Mon propos, en exposant ma vision du film de Ozon et cet extrait clinique, était de montrer que la sexuation est une affaire de rapport au signifiant phallus et de mode de jouissance, que cela n’a rien à voir avec l’anatomie ni avec le choix d’objet, en espérant avoir trouvé les mots pour le dire.
Philippe Woloszko Metz, le 31 janvier 2015.
Membre actif de l’ Association Freudienne de Paris
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Bibliographie:
– Jacques Lacan: séminaires: « La logique du fantasme »; « Ou pire… »; « Encore ». L’étourdit.
– Guy Le Gaufey. Bref aperçu dur l’hypothèse de la bisexualité chez Freud. In littoral N° 22/23. Octobre 1987. Ères.
– Guy Le Gaufey. Hiatus sexualis. Du non-rapport sexuel selon Lacan. EPEL. Paris.2013. Philippe Julien. Entre l’homme et la femme il y a l’a-mur. In littoral N° 22/23. Octobre 1987. Ères.
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