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LA VOIX DIT OBJET a (petite a) en PSYCHANALYSE

Chantal Cazzadori Psychanalyste

Marcireau_sans_voix

L’herbe dites-vous
Ne fait aucun bruit pour pousser
L’enfant pour grandir

Le temps pour passer
Vous n’avez vraiment pas l’oreille fine.

Pierre Albert-Birot – 1876/1967 – *

QU ‘EST-CE QU’UNE RELATION D’OBJET DITE OBJECTALE ?

Dans le développement de l’enfant, les toutes premières relations objectales sont d’une importance primordiale. Dans le stade oral, de 0 à 8 mois, la relation fusionnelle se nomme aussi symbiotique, auprès d’un objet partiel (sein, lait). Jusqu’à 3 mois, l’objet vers lequel le nourrisson dirige ses pulsions est indifférencié de lui-même. Il est lui-même l’objet. Le plaisir de la satisfaction éprouvée va peu à peu lui faire distinguer lui-même dans sa position narcissique, de l’autre, la Mère, ou toute personne s’occupant de lui. Une séparation s’opère, appelée castration symboligène par Françoise Dolto. Au 8ème mois, cette relation est devenue anaclitique, le Maternel va le soutenir. L’objet qui devient total c’est la Mère, dite la Chose, « Das Ding » chez Freud. Le nourrisson ressentira son absence, un manque réel qui l’angoissera comme devant la présence d’un étranger, il se mettra alors à pleurer.
Lacan va aborder cette étape du côté du stade du miroir. Mais avant de l’évoquer, référons nous au pédiatre devenu psychanalyste, D.W. Winnicott.

Chantal Cazzadori Psychanalyste
Atelier Rêve Lève-toi.
LE DOUDOU ou OBJET TRANSITIONNEL :

Le docteur Winnicott va centrer son œuvre sur la nécessité, pour le développement de l’enfant, d’un environnement « suffisamment bon ». Si celui-ci n’est ni trop, ni trop peu satisfaisant, l’enfant sera en capacité d’établir une relation d’objet, en investissant son objet présentifié par l’amour maternel. Le mouchoir, le bout de laine etc. auquel l’enfant manifestera un attachement inconditionnel sera l’emblème de l’objet a, que Lacan inventera ensuite à partir de la découverte par D.W. Winnicott, de cet objet dit transitionnel qui crée, ce « champ de l’illusion », ni intérieur ni extérieur au sujet.
Cet objet n’est donc pas réductible à la chose (Das Ding). il est au cœur du monde des représentations du sujet qui puise dans l’Autre primordial (la mère), c’est-à-dire le langage qui va lui permettre de sortir de l’imaginaire pour symboliser son ressenti, sa demande. Mais, pour sortir de son aliénation imaginaire à l’autre par laquelle le moi constitue sa propre image, il faudra passer par un autre stade.

Chantal Cazzadori PsychanalysteLE STADE DU MIROIR ELABORE PAR JACQUES LACAN :

Durant les 6 premiers mois de sa vie, l’enfant va traverser une période dite « schizoïde » selon Mélanie Klein. Ce temps qui renvoie aux vécus de morcellement précède celui du stade du miroir. Il va débuter vers le 6ème mois pour se terminer à 18 mois période durant laquelle l’enfant ne fait aucune différence entre son corps et celui de sa mère, entre lui et le monde extérieur. Puis, peu à peu, il reconnaîtra l’image de la mère qui le porte et le regarde. En effet, comme le regard de la mère le regarde, il va se tourner vers elle comme pour lui demander d’authentifier sa découverte, de la confirmer. Cette reconnaissance lui permettra de penser que c’est bien lui l’enfant regardé ainsi. Le « c’est toi, Pietro mon fils » par exemple, donnera un « c’est moi ».
« Lacan oppose le corps morcelé du bébé à cette image globale à laquelle il doit se confronter. C’est un commencement dans sa maturation psychologique. De cet impact, naîtra une « jubilation » due à l’appropriation de cette image de son corps, totale et aimée de la mère. Le stade du miroir à une valeur décisive ». (1)
L’acceptation du « Je » commence à ce moment de la reconnaissance jubilatoire, ce qui permettra à l’enfant de devenir « sujet » de son discours en entrant dans le langage. Cette reconnaissance qui provoque l’assomption du sujet passe par la parole de la mère, dite parole de l’Autre, ce trésor des signifiants pour le parlêtre, autrement dit le sujet qui parle et qui désire. Du fait de l’accès au langage, l’objet (Das Ding), est définitivement perdu, en même temps qu’il est constitué. Lacan dira le 9/12/1959, « c’est cet objet, das Ding, en tant qu’autre absolu du sujet qu’il s’agit de retrouver. On le retrouve toujours au plus comme regret. Ce n’est pas lui qu’on retrouve mais ses coordonnées de plaisir ». Il s’agira de distinguer dans les textes freudiens, un objet fondamental das Ding, la chose comme opposée aux objets substitutifs, qui, elle, est perdue d’entrée de jeu. L’objet partie, cause du désir, nommé par Lacan petit a, n’existe pas comme objet du monde. Non représentable, il ne peut qu’être identifié que sous forme « d’éclats » partiels réductibles à quatre l’objet de la succion (sein), l’objet d’excrétion (féces) la voix et le regard.

APPROCHE DE L’OBJET a ?

« Cet objet a se crée dans cet espace, cette marge que la demande, c’est-à-dire faite par le langage ouvre au-delà du besoin qui la motive ». (2)
En tant que sujet désirant, cet objet « a » , créé comme partie détachée du corps représentable se constitue et opère comme manque à être. Cette expression « objet a », désigne l’objet cause du désir, masqué dans le fantasme du névrosé, objectivement présent dans la réalité du scénario pervers, réifié sous forme hallucinatoire dans la psychose. La cause du désir, cause supportée par la fonction de l’objet a, inclut la castration, le manque. L’objet perdu en psychanalyse, n’est pas envisagé comme un tout, sa position est donc que tout objet est partiel, tout objet est une partie. Nous n’avons accès à ces drôles d’objets qui sont d’abord perdus, que par des représentations ou des traces. Lacan y ajoutera à la liste des objets perdus de Freud, (le sein, l’excrément, le phallus, l’argent, l’enfant), soit les cinq pertes, correspondants à cinq objets pulsionnels, deux autres que l’on a jamais appelé objet jusqu’ici, à savoir : la voix et le regard.
Nous nous attacherons ici, dans ce texte, à souligner uniquement quelques-unes des caractéristiques de la Voix, comme objet libidinal. La lettre « a » utilisée, comme notation algébrique pour éviter les signifiants et le flot de signifiés qu’ils véhiculent puisqu’un mot a toujours un sens métaphorique (sens propre et sens figuré). C’est pour lutter contre les métaphores et les significations que Lacan utilise le terme d’objet a.
Revenons sur l’objet partiel, comme partie de notre chair, un bout de corps, un bout de notre corps et un bout du corps de l’Autre. Cette partie, ce morceau ne sera jamais un ensemble. Quand nous entrons dans le langage, en relation avec les Autres du langage, nous perdons un petit morceau de corps, soit un petit morceau de satisfaction, c’est une manière de dire autrement ce qu’est l’objet a lacanien.

LA VOIX comme OBJET a :

Pour avancer sa théorisation sur la voix séparée de la parole qui indique que quelque chose du côté vivant, est perdue, à partir du moment où l’on parle, Lacan aura recours au Shofar. Cette voix détachée de tout support, des phonèmes, sera illustré par ce fameux Shofar juif, corne de bélier ou de bouc sauvage. Le rituel du shofar consiste à souffler dans la corne qui va produire un son inédit. Dans le séminaire sur l’Angoisse, tout ce qui est dit du Shofar annonce les prémisses de la pulsion invocante : « Je mets en relief la sonnerie du shofar, une corne de bélier, quand Moïse revient porteur des tables de la loi, c’est le meurtre du Père, avènement du symbolique ».(3) Et on sonne le shofar.
Les objets a, sont des modes de jouissance, qui s’appuient sur une perte. L’autre thèse de Lacan, est que la voie d’accès la plus indirecte mais la plus sûre c’est l’angoisse. Quand nous sommes angoissés, cherchons l’objet a qui est derrière, et ça tombe. L’angoisse est nouée au désir. Quand le manque vient à manquer, l’angoisse surgit, rapportant l’angoisse de castration au danger non pas d’une perte mais de la perte d’une perte.

Chantal Cazzadori Psychanalyste
The_Scream-MUNCH_Oslo_Norway
La pulsion invocante peut aussi se déduire du tableau de Munch « Le cri ». Munch nous dira :

« J’ai senti passer un cri dans la nature, il m’a semblé que je pouvais entendre le cri. J’ai peint ce tableau, peint les nuages comme du véritable sang. Les couleurs hurlaient ».

Nous avons montré là, la schize entre la voix et le son.
La voix est la « musique de l’âme », disait Barbara.

Elle est aussi une porte vers l’inconscient.

Michel Schneider nous disait dans un entretien avec le Figaro Culture le 4/12/2015 :

« La voix serait un des premiers objets de désir, c’est ce que l’on va attendre, désirer chez l’autre, que ce soit dans l’étreinte amoureuse ou sur une scène d’opéra. C’est l’objet que l’on ne peut pas capturer mais qui nous captive. La voix a quelque chose de très archaïque, elle porte un immense potentiel d’érotisme et d’effroi ».

UN ÉVÈNEMENT AU COLLEGE DES BERNARDINS A PARIS
Quatre cents personnes étaient réunies dans la grande nef du Collège des Bernardins pour célébrer la déclaration du Jubilé de la fraternité, le lundi 23 novembre 2015. Adath Shalom et l’Espace Culturel et Universitaire Juif d’Europe ont organisé une rencontre judéo-chrétienne historique.
Et maintenant, laissons-nous porter par la beauté, la grâce et la spiritualité de ce chant
Helenou Shalom Aleihem“interprété par les chorales : Chirat Ha-Nechama et Voci Copernic , dont la chef de chœur est Laurence Témine.(4)


Léa Chenaf
, Psychologue, Consultante développement RH, membre de la chorale et moi-même, nous vous souhaitons une Bonne Année.


Chantal Cazzadori
Psychanalyste

Notes :

* lire article de Michèle Larnaud : approches de la pulsion invocante, Cartels Constituants.

1 – voir site psychiatriinfirmière , formation IDE (infirmier diplômé d’état) voir le stade du miroir.

2 – Dictionnaire de psychanalyse : sous la direction de R. Chemama chez Larousse p. 189

3 – Séminaire X sur l’Angoisse – 1962-1963

4 – La chorale « Chirat Ha-Necham », appartient à la synagogue Adath Shalom
La chorale « Voci Copernic », appartient à la synagogue de Copernic

5 –http://www.ktotv.com/video/00098982/relations-judeo-chretiennes-declaration-pour-le-jubile-de-fraternite-a-venir

Chantal Cazzadori Psychanalyste